La frontière vers l'Albanie est nette: nous passons sur tous les plans dans un autre monde.
Le pays était sous régime communiste dictatorial jusqu'en 1991, ce qui explique son isolement par rapport au reste de l'Europe. L'ouverture au marché mondial a provoqué une crise économique très importante et une fuite massive des albanais (1/3 de la population) vers les autres pays d'Europe.
La religion semble jouer un rôle secondaire, les albanais sont en majorité musulmans (57%), mais on voit aussi de nombreuses églises catholiques ou orthodoxes.
Il nous faut un petit temps pour changer d'optique, ne plus chercher des yeux la magnificence des montagnes, et observer plutôt la vie bouillonnante, les pancartes insolites et les étals de marché.
Juste après la douane, la route est plate, très empruntée. Nous croisons beaucoup de personnes à vélo, transportant souvent de grandes quantités de matériel en tout genre. Tous les gens que nous croisons nous saluent, d'un coup de klaxon ou d'un "hello" sympathique.
Des mosquées et des églises bordent les routes, il y a beaucoup de maisons en construction ou abandonnées (ou les deux!), les jardins sont décorés grâce aux boules orangées des kakis et des mandarines. Même les oranges semblent différentes, en forme de poire.
Nous roulons ainsi les yeux grands ouverts jusqu'à Shköder où nous sommes reçus par Chuck et Susan, deux américains à la retraite qui accueillent des voyageurs à vélo via le réseau warmshowers. Ils ont fait le choix d'une vie minimaliste et de voyages lents. Ils accueillent tous les jours de nombreux cyclistes, qui laissent leur empreintes sur le mur, et qui s'entassent dans leur salon (seule pièce de vie). Nous en faisons l'expérience car nous y retrouvons nos copains Duralem! Les enfants sont tout excités de se retrouver et jouent comme d'habitude avec beaucoup de joie ensemble. Comme ils nous l'ont expliqué, leur choix a été de partager ce genre de moments plutôt que d'attendre la mort en chaussons sur leur canapé aux Etats-Unis. A plus de 70 ans, ils continent à voyager l'été en vélos couchés, Chuck ne pouvant plus vraiment se déplacer à pieds.
Nous visitons Shköder entre les gouttes, ravis de trouver des fruits et légumes à foison, du thé et des amandes en vrac, ainsi qu'une coque pour mon vieux téléphone dans une boutique seconde main, alors que l'on m'avait ri au nez devant cette antiquité dans les pays traversés jusqu'alors.
La route qui relie Shköder à Dürres n'est pas très agréable du fait du trafic, de la poussière et de la pluie par intermittence. Toutefois nous apprécions le terrain plat et avançons assez vite. Les bords de route sont parsemés de bunkers, de sacs plastiques, et surtout de stations de lavage pour voitures, aussi fréquentes et diverses que les salons de coiffure dans une ville de banlieue parisienne.
Les maisons sont coiffées d'une réserve d'eau sur le toit terrasse, pour avoir de la pression au robinet.
Alors que nous recherchions un bivouac pour la nuit, nous sommes accueillis avec beaucoup de gentillesse par une famille albanaise. C'est l'occasion de connaître un peu mieux leurs habitudes de vie, bien que la communication ne soit pas évidente (voir l'article de Timothée qui détaille cette soirée mémorable).